Vieux de 2014, le contentieux qui oppose Lassana Diarra à son ancien club du Lokomotiv Moscou est passée devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ce vendredi au Luxembourg, ce qui pourrait engendrer certains chamboulements majeurs sur le marché des transferts.

Le contexte

En 2014, Lassana Diarra souhaite quitter son club du Lokomotiv Moscou suite à un problème salarial. Toutefois, conformément au règlement édicté par la FIFA, aucun joueur ne peut rompre son contrat dans un club, sauf s’il est disposé à payer la totalité de sa rémunération jusqu’au terme de son engagement. Et si le principal intéressé décidait malgré tout de partir, le club qui chercherait à le recruter pourrait être condamné à payer le salaire du joueur en question ainsi que divers frais supplémentaires, jusqu’à être potentiellement interdit de recrutement. Des sanctions potentielles qui avaient à l'époque convaincu le club de Charleroi de finalement retirer l’offre de contrat soumise à Lassana Diarra, pourtant proche de rejoindre la Belgique après son départ de Russie. Alors le milieu français, qui voyait le Lokomotiv Moscou lui réclamer près de 20 millions d’euros après avoir arrêté son activité « sans juste cause », a porté l'affaire devant les tribunaux.

Le fond du problème

Cette règle qui force donc le club employeur à donner son aval pour transférer un de ses joueurs permet de régir le marché des transferts actuel afin de ne pas offrir le loisir aux grosses cylindrées européennes de chiper les pépites des plus petites équipes sans résistance. Cependant, selon l’avocat général du dossier, Marciej Szpunar, qui est passé ce vendredi matin devant la CJUE, « les règles de la FIFA peuvent s’avérer contraires aux règles européennes de concurrence et de libre circulation des personnes. » Un avis partagé par la juge de l'affaire, qui a donc rendu son verdict ce vendredi 4 octobre et qui a déclaré que certaines règles de la FIFA sur les transferts de joueurs enfreignaient le droit de l'Union européenne. Le conflit entre Lassana Diarra et le Lokomotiv Moscou pourrait donc ouvrir la porte à une circulation plus fluide des joueurs entre les clubs, ce qui pourrait considérablement bouleverser le mercato.

FIFA
Crédits photo : Icon Sport

Quel impact sur le mercato ?

Toutefois, avant que toute cette histoire ne se matérialise, plusieurs longs mois pourraient passer avant de voir les premiers effets. Les différentes instances qui regroupent les clubs et les joueurs vont désormais devoir se réunir pour retranscrire cette évolution dans le règlement, ce qui pourrait prendre du temps. Mais cette réforme pourrait transformer le marché des transferts, offrant toujours plus de libertés aux joueurs et encore moins aux clubs. Si cela ajouterait un côté chaotique dans les mouvements interclubs, à l’image de la signature de Pape Gueye à l’OM après son transfert avorté à Watford, cela permettrait toutefois de limiter une tendance naissante : les lofts.

Ainsi, les joueurs écartés pourraient bénéficier d’une porte de sortie légale alors que le club concerné n’aurait plus de réel argument pour empêcher son élément d’évoluer dans le groupe professionnel à l’approche de l’expiration de son contrat. Un fait qu'il faut cependant nuancer puisque, si les joueurs pourront être aptes à rompre leur contrat à n'importe quel moment, encore faut-il que le club qui doit accueillir le joueur en question après sa résiliation puisse l'inscrire sur les listes de son Championnat et des Coupes européennes. En outre, un joueur devra y réfléchir à deux fois avant de démissionner en pleine saison de peur de ne pouvoir rebondir nul part.

Pape Gueye, Leonardo Balerdi, OM
Crédits photo : Icon Sport

Vers un arrêt Bosman bis

En 1995, lorsque Jean-Marc Bosman, un modeste défenseur de Liège, a saisi la justice pour pouvoir aller contre la décision de son club afin de rallier Dunkerque, rien ne le laissait imaginer qu'il allait révolutionner le football européen. Son affaire a notamment permis la libre circulation des joueurs au sein de l'Union européenne, et le combat actuel mené par Lassana Diarra pourrait déboucher sur une situation similaire.

Alors que les joueurs pourraient rompre leur contrat à tout moment, les montants de transferts se verraient logiquement réduits par peur de trop investir sur un potentiel futur joueur démissionnaire. D'autant que cette histoire poserait aussi la question de la valorisation des joueurs, qui pourrait être totalement bouleversée alors que leurs contrats ne figureraient plus comme une unité de mesure, ce qui nécessiterait probablement la création d'un nouvel organisme pour déterminer les indemnisations. Cela forcerait alors les clubs à adapter leur économie afin de ne plus être dépendant des ventes de joueurs, en plus d'augmenter encore un peu plus le pouvoir des gros clubs qui subiront logiquement moins de rupture de contrat alors qu'il représente un objectif final pour beaucoup de joueurs.

Dans un communiqué publié ce vendredi après la décision, la FIFA a tenu à réagir : « La FIFA a pris note de l'arrêt rendu aujourd'hui par la Cour de justice de l'Union européenne dans le cadre de l'affaire impliquant le joueur Lassana Diarra. La FIFA est satisfaite que la légalité des principes clés du système de transfert ait été reconfirmée dans la décision d'aujourd'hui. Le jugement ne remet en cause que deux paragraphes de deux articles du règlement de la FIFA sur le statut et le transfert des joueurs, que la juridiction nationale est désormais invitée à examiner. »

GIanni Infantino
Crédits photo : Icon Sport

S'il faudra attendre encore quelque temps pour mesurer l'impact réel de cette mesure, l'affaire Diarra pourrait modifier considérablement le marché des transferts et le football européen, lançant, 29 ans après l'arrêt Bosman, une nouvelle ère.