OM : de Foggia à Brighton, l’itinéraire qui a mené De Zerbi à Marseille

Lundi soir, l'Olympique de Marseille a officialisé un accord de principe avec Roberto De Zerbi, étape préalable à son arrivée au poste d'entraîneur. Cette signature semblait, jusqu'à il y a deux semaines, complètement inaccessible tant le technicien italien faisait tourner les têtes de certaines des plus grandes équipes européennes telles que le Bayern Munich ou Manchester United. Retour sur le début de carrière du natif de Brescia, de ses débuts en Serie D à son excellent travail à Brighton.

C'est à l'âge de 34 ans que Roberto De Zerbi, ancien milieu offensif formé à l'AC Milan, a débuté sa carrière d'entraîneur. C'était en novembre 2013 du côté de l'US Darfo Boario, une petite commune lombarde, proche de son Brescia natal et pensionnaire de Serie D à l'époque. Moins d'un an après, le coach italien grimpe déjà d'une division en devenant l'entraîneur de Foggia.

Foggia, des premiers pas remarqués et un titre (2014-2016)

Malgré une expérience qui se limite à quelques mois sur un banc de quatrième division italienne au moment de son arrivée à Foggia, De Zerbi a déjà les idées très claires sur la philosophie de jeu qu'il souhaite mettre en place dans la région des Pouilles. Il inculque à ses joueurs un jeu visiblement très codifié, tout en leur faisant aimer le football, comme s'est remémoré Guillaume Gigliotti. “Vu qu’il t’explique exactement comment l’adversaire se comporte, tu sais ce qu’il faut faire avec et sans ballon, a expliqué le défenseur. Tout est codifié. C’est rassurant et tu n’as pas peur de prendre des risques. On avait envie de se jeter au feu pour lui. Avant de le connaître en 2014, j'envisageais d'arrêter le foot. Presque 10 ans plus tard, je joue toujours. Avec lui, tu t'amusais, tu étais heureux de te réveiller pour aller t'entraîner.

Une méthode qui avait porté ses fruits à l'époque puisque, lors de ses deux saisons à Foggia, RDZ a affiché un bilan de 48 victoires pour 19 matchs nuls et 23 défaites. Durant son passage, le club a remporté une Coupe d'Italie de Serie C et avait été proche de décrocher sa montée en Serie B, battu lors des play-offs par Pise.

Un gros couac à Palerme (2016)

Ses accomplissements avec Foggia sont remarqués au plus haut niveau national puisque Palerme, 16ème de la dernière saison de Serie A, décide de miser sur De Zerbi au mois de septembre de la saison suivante. Le président Maurizio Zamparini tente le pari après un début de campagne raté de son prédécesseur.

Le futur entraîneur de l'Olympique de Marseille récupère un club à la 15ème place et entame son mandat par une lourde défaite à domicile face au Napoli (0-3). Son passage en Sicile tournera court puisque le 30 novembre, après avoir enchaîné sept défaites consécutives, il est limogé à son tour. Son bilan en deux mois et demi est catastrophique : 9 défaites, 2 matchs nuls et une seule victoire. Plus tard, De Zerbi avait qualifié son expérience chez les Rosanero “d'erreur de jeunesse“. Palerme avait été relégué en fin de saison, terminant à la 19ème place de Serie A.

J’étais très jeune et c’était compréhensible de faire une erreur. C’est clair que ça m’a servi, que ça a été une leçon. Je ne referai pas aujourd’hui ce type d’erreur, avait-il confié. Il peut y avoir des erreurs de jeunesse et une prise de conscience qui te permettent de ne pas recommencer plus tard.

Roberto De Zerbi, entraîneur
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Pas d'exploit avec Benevento (2017-2018)

Son échec à Palerme avait visiblement refroidi quelques prétendants puisqu'aucun club ne fait appel au manager italien l'été suivant. Il faut attendre le mois d'octobre 2017 pour que Benevento, promu trois mois plus tôt et déjà en grande difficulté en championnat, ne décide de le nommer entraîneur après neuf défaites initiales.

Avec un tel départ, difficile d'imaginer qu'un coach puisse inverser la tendance, même avec une trentaine de journées restantes. Roberto De Zerbi parvient quelque peu à redresser la barre chez la lanterne rouge en comparaison avec la première moitié de l'exercice. Lors des 19 derniers matchs de la saison, Benevento parvient à rendre une copie plus honorable en remportant six matchs. Les Stregoni s'offrent notamment le scalp du Milan AC à San Siro en fin de saison. Ce n'est malgré tout pas suffisant pour éviter la relégation.

La réussite de la “patte” De Zerbi à Sassuolo (2018-2021)

Alors que les prémisses de son jeu offensif, basé sur la possession et la volonté de ressortir la balle proprement par l'arrière, ont été entrevus à Benevento, c'est à Sassuolo, la saison suivante, que Roberto De Zerbi parvient à donner une réelle identité à son équipe. Avec un effectif plus fourni en qualité avec notamment des joueurs comme Manuel Locatelli, Filip Duricic, ou encore Gianluca Scamacca et Jérémie Boga, les Neroverdi développent un football particulièrement attrayant, dans lequel les joueurs prennent plaisir à évoluer.

Quand il entre sur le terrain, c’est un autre homme, très sévère, qui s’énerve et crie beaucoup. Je retiens les exercices pour les sorties de balles. Ça pouvait durer une heure. Tant qu’il n’obtenait pas ce qu’il voulait, on ne sortait pas du terrain, il hurlait : ‘Vous n’allez pas rentrer chez vous !' Et puis quand le dimanche arrive, que tu t’amuses, que ça joue, tu te dis que ça vaut le coup. C’est avec lui que j’ai joué le meilleur football“, expliquait récemment Grégoire Defrel, qui porte toujours les couleurs du club de Serie A, il y a quelques jours.

Cela se traduit d'ailleurs en terme de résultats puisque sous la houlette du natif de Brescia, Sassuolo termine successivement 11ème et 8ème à deux reprises, un petit exploit pour une équipe qui se trouvait en quatrième division un peu plus de 10 ans avant. Durant ses trois années au club, en plus d'être salué pour ses résultats, De Zerbi est loué pour la beauté du football que son équipe produit, à l'opposé du fameux catenacio italien.

Dans son approche du football, l'ancien joueur du Milan AC et du Napoli a une philosophie que peu partagent : la manière prime sur le résultat, à l'image de ce que prône Marcelo Bielsa. Roberto, il n'aime pas les pragmatiques. “Celui qui dit ‘il n’y a que le résultat qui compte' n’a pas inventé l’eau chaude“, déclarait-il dans une interview en 2021.

Une expérience écourtée au Shakhtar Donetsk (2021-2022)

Après son expérience de trois ans avec les Neroverdi qui lui a permis de voir sa côte grimper en flèche, Roberto De Zerbi exporte ses talents en Ukraine, où il est recruté par le Shakhtar Donetsk en 2021. Sa première expérience hors des frontières italiennes. Il s'engage ainsi pour deux saisons avec le vice-champion en titre.

Sous ses ordres, Donetsk passe le troisième tour préliminaire et élimine l'AS Monaco lors des barrages de la Ligue des Champions. Les coéquipiers de l'ancien lyonnais Tête sont leaders du championnat avec 15 victoires lors des 18 premiers matchs avant que la guerre n'arrête malheureusement toutes les compétitions sur le sol ukrainien. Aucun titre ne sera décerné, mais De Zerbi avait également remporté la Supercoupe face au champion en titre, le Dynamo Kiev, son premier trophée en carrière. Son bilan toutes compétitions confondues est également solide : 20 victoires, 5 matchs, 5 défaites.

La situation géopolitique l'avait d'ailleurs contraint à quitter son poste en juillet 2022, un an après son arrivée. “J’ai été réveillé par les explosions. Je suis dans ma chambre. Je n’ai pas bougé. Je suis ici pour faire du sport, je ne pouvais pas tourner le dos au championnat, aux supporters, à mon staff“, confiait-il au début du conflit, avant que l'arrêt des compétitions et l'invasion du pays par la Russie ne le contraigne à quitter l'Ukraine.

Le passage dans une autre dimension à Brighton (2022-2024)

L'entraîneur italien ne retrouve pas un club dans la foulée, mais se voit confier le banc de Brighton suite au départ de Graham Potter vers Chelsea en septembre 2022. Après avoir conquis les observateurs en Italie, Roberto De Zerbi est allé relever le challenge en Premier League, championnat connu pour être le plus difficile de la planète. Si certains s'interrogeaient sur sa capacité à développer le même style de jeu dans une ligue encore plus compétitive, l'Italien a rapidement levé les doutes.

Dans un club davantage taillé pour jouer le maintien, comme son budget en témoigne, De Zerbi fait des miracles et dès sa première saison, il amène son équipe à la 6ème place de Premier League, soit le meilleur classement de l'histoire du club. Lors de cette campagne, les Seagulls inscrivent pas moins de 72 buts, se plaçant comme la 4ème attaque d'Angleterre devant des équipes comme Manchester United, Tottenham ou Chelsea. Au cours de cette fameuse saison 2022-2023, Brighton gifle notamment Liverpool (3-0) et Arsenal à l'Emirates (0-3).

La saison qui vient de s'écouler a été un peu moins marquante du point de vue des résultats puisque Brighton a terminé à la 11ème place de Premier League. Longtemps dans le Top 8, les coéquipiers de Joao Pedro ont craqué à partir de fin février avec seulement deux succès en 13 rencontres. Cette “contre-performance” n'a pas empêché Roberto De Zerbi de laisser sa marque aussi outre-Manche.

En témoignent les déclarations de Pep Guardiola à son égard. “Faites attention à ce que je vais dire, car je suis quasiment convaincu que j’ai raison : Roberto de Zerbi est l’un des managers les plus influents de ces 20 dernières années, avait lâché l'entraîneur de Manchester City au sujet de son homologue italien. Il n’y a aucune équipe qui joue de la même manière qu’eux, c’est unique. Lorsqu’il est arrivé en Premier League, j’ai eu le pressentiment que l’impact serait important, mais je ne pouvais pas m’attendre à ce qu’il le fasse en si peu de temps. Il se crée 20 à 25 occasions en moyenne par match. Il est de loin meilleur que tous ses adversaires, il monopolise le ballon comme je ne l’ai pas vu depuis très, très longtemps.” Rien que ça.

Désormais, place à l'OM !

Mathieu Dumas
Arrivé dans le métier sur un coup de tête à la Peter Crouch, j'ai fait mes gammes chez la Fédération Française de la Lose (FFL) avant d'explorer, par la suite, un monde autre que celui de la défaite. Au fil des expériences, j'ai pris de la bouteille comme Sidney Govou, en gardant toujours la même passion. Mon mantra : produire des analyses au moins aussi bonnes que Jean-Marc Ferreri.