Formé au Paris Saint-Germain après avoir grandi en Île de France, Youssouf Mulumbu a eu la chance de disputer 22 matchs avec le PSG entre 2006 et 2009, avant de quitter son club formateur. Dans cet entretien accordé à Top Mercato, l’ex-milieu de terrain âgé de 38 ans revient sur son passage dans la capitale et livre son regard sur le PSG actuel. L’ancien international congolais, qui vient de publier son roman, Talo, aux éditions Jets d’Encre, a également livré une étonnante anecdote sur l’OM.

Entretien réalisé par A.P.

Youssouf Mulumbu, vous êtes un pur produit du centre de formation du Paris SG. Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez vu Senny Mayulu marquer en finale de Ligue des Champions et Presnel Kimpembe soulever le trophée ? 

C’est extraordinaire pour un joueur issu du centre de formation ! On sait que le PSG est entré dans une autre sphère, mais le club a toujours gardé son identité avec des joueurs issus de la banlieue parisienne et du centre de formation. C’est une grande fierté. On sait que tout le public parisien attendait cette Ligue des Champions. Et pouvoir clôturer cette finale avec un but d’un joueur formé à la maison, c’est une fierté pour tous. 

Cette saison, on voit encore plus de titis jouer au PSG, quel est votre sentiment là-dessus ? 

C’est une confirmation qu’on a misé sur le bon coach, sur le bon staff. C’est un signe du bon travail qui a été fait en amont. Il faut féliciter les recruteurs, parce que ce n’est pas facile de recruter les bons profils avec la concurrence internationale dans le secteur. Lorsqu’on entend le discours de Luis Campos, qui dit que le club n’hésitera pas à recruter des joueurs issus du centre ou de la banlieue à talent égal, ça donne vachement de poids à tout ce que fait le staff technique. 

Yousouf Mulumbu, PSG
Crédits photo : IconSport

Comment trouvez-vous cette équipe ? Qu’est-ce qui vous plaît ?

Forcément, le jeu fourni ! Que l’on joue à domicile ou à l’extérieur, que l’on ait une grosse équipe en face, on garde la maîtrise du jeu, les mêmes sorties de balle. C’est ça qui nous plaît. Après, il y a aussi l’esprit collectif qui se dégage. Les latéraux peuvent marquer, comme les centraux. Cette solidarité aussi, tout le monde défend les uns pour les autres. Le symbole, c’est Ousmane Dembélé qui fixe Yann Sommer lors de la finale de Ligue des Champions contre l’Inter. Ça montre que tout le monde est prêt à se battre pour aller gagner des titres.

Est-ce selon vous le meilleur PSG de l’histoire ?

Je pense que c’est le meilleur PSG de l’histoire, sans aucun doute. On est parti gagner à Liverpool, on est parti éliminer Aston Villa, Arsenal. C’est sans conteste le meilleur PSG. Quand on voit cette année que la domination se poursuit (interview réalisée le 25 octobre, ndlr), c’est que c’est le fruit d’un travail de très longue haleine. J’aimerais bien qu’ils fassent le back to back. Je croise les doigts. Ce serait mérité en tout cas. 

“Le président du PSG avait dit que, son plus grand regret, c’était de m’avoir laissé partir en Angleterre”

À titre personnel, vous avez disputé 22 matchs toutes compétitions confondues avec le PSG. Presque autant au milieu que latéral droit. Quel bilan faites-vous de votre aventure au PSG en pro ? 

Lorsqu’on est jeune, on ne comprend pas tout le poids de ce maillot. On était en période de transition, les Qataris sont arrivés après mon départ. Pour moi, il était impératif que j’aie du temps de jeu. Malheureusement, je n’ai pas pu le faire au PSG. C’est pour ça que je suis parti à l’étranger. Je l’ai regretté un temps. Mais au vu de la carrière que j’ai pu faire, je suis satisfait de ce que j’ai pu accomplir. 

J’ai oublié le nom du président qui avait dit que son plus grand regret, c’était de m’avoir laissé partir en Angleterre (probablement Charles Villeneuve, ndlr). Ça m’avait beaucoup touché. J’ai eu quelques regrets, mais il fallait que je puisse partir pour pouvoir m’aguerrir en tant que joueur professionnel et je l’ai fait dans l’un des meilleurs championnats du monde, donc il n’y a pas à être déçu. 

Pensez-vous que l’on ne vous a pas assez fait confiance au PSG ?

Non, le souci, c’était plus moi. Je n’ai peut-être pas fait tous les efforts. Je ne mesurais pas tous les efforts que je devais faire pour pouvoir m’imposer au PSG. Je pense qu’il y a un moment où j’ai pensé que c’était déjà acquis vu que j’avais déjà signé professionnel. Le fait de retourner dans le dur, l’anonymat, repartir du début, ça m’a fait du bien. Arriver en Angleterre, jouer contre des joueurs comme Gerrard, Lampard, tu n’es personne. Il faut se remettre au charbon et c’est comme ça que j’ai pu faire la carrière que j’ai eue. Je pense qu’au PSG, je m’étais un peu endormi sur mes lauriers. 

Quels sont les joueurs qui vous ont le plus impressionné durant vos années parisiennes ?

J’ai eu la chance de jouer avec Claude Makelele et on sait tous la carrière qu’il a pu avoir. J’ai eu le privilège qu’il me donne des conseils sur mon positionnement, mon placement, l’aspect technique. Il y a eu aussi notre regretté Modeste M’Bami, qui m’avait repéré au centre de formation et m’avait pris sous son aile. J’ai toujours été admiratif de sa technique et de sa simplicité sur et en dehors du terrain. 

Et forcément, il y a eu Pedro Miguel Pauleta, qui a mis des buts extraordinaires. Et je peux vous dire que c’était encore plus impressionnant à l’entraînement ! Ce sont ces joueurs-là qui m’ont marqué.

“Avec mes anciens coéquipiers, on parle encore du 5-5 de 2013 contre Manchester United”

Après un prêt à Amiens, vous quittez définitivement le PSG pour rejoindre West Bromwich Albion, où vous allez devenir une légende du club. Quel effet cela fait-il ? 

C’est ce qui se dit là-bas ! Je suis resté longtemps, on a réussi à maintenir le club pendant 6 années en Premier League, avec des joueurs comme Peter Odemwingie, Romelu Lukaku, Nicolas Anelka, etc. Avec plus de 180 matchs joués, ça s’est super bien passé, avec les supporters, jusqu’à la dernière année, avec l’arrivée de Tony Pulis, qui a tout changé dans le style de jeu de l’équipe et a tout déboussolé. J’avais prévenu le board que cela ne tiendrait pas plus de 6 mois et c’est ce qui s’est passé. 

Que reste-t-il de toutes ces années chez les Baggies et en Premier League ?

C’est le meilleur championnat, il y a la passion, les gens vivent football, une personne âgée peut venir au stade avec ses petits-enfants, l’intensité des matchs, des entraînements. Le dernier peut gagner contre le premier. Jusqu’à la dernière journée, aucune équipe ne lâche absolument rien, aucune minute. C’est la différence avec les autres championnats. C’est extraordinaire à vivre et leur modèle doit être copié dans tous les championnats. C’est le meilleur championnat du monde. 

Quel est votre souvenir le plus marquant là-bas ? 

Je dirai sans hésiter le 5-5 contre Manchester United (19 mai 2013), parce que c’est le dernier match de Sir Alex Ferguson sur le banc des Red Devils. Parce qu’on est menés 3-1 à la pause. On réussit à mettre 5 buts dans une ambiance folle, avec un public en ébullition. On en parle encore avec les acteurs de ce match et on se demande encore comment ça avait pu se passer comme ça. 

Quel joueur vous a le plus marqué là-bas ?

Je voterai pour Peter Odemwingie en 1 et Romelu Lukaku en 2. Ce dernier, on sentait déjà qu’il allait devenir le grand attaquant qu’il voulait être. Ça se voyait par son travail, sa manière de demander sans cesse des conseils aux plus âgés. Il avait mis 19 réalisations. 

Odemwingie, lui, fait une saison énorme, il nous maintient en Premier League la première saison, avec 17 buts. On le connaissait de Lille, où il était capable de fulgurances. Il nous a beaucoup impressionnés. Il a été très bon sur la durée. Il m’avait beaucoup marqué sur cette saison-là. J’oublie aussi Morgan Amalfitano, qui m’a beaucoup marqué, avec ses crochets et ses buts contre Manchester United. On est resté bons amis d’ailleurs.

“Mon transfert à l’OM a capoté par ma faute”

Vous découvrez ensuite Norwich puis l’Écosse. À Kilmarnock et au Celtic. Quelles étaient les différences avec la Premier League ? Quels souvenirs en gardez-vous ?

Le Celtic, c’est un grand club, c’est le Liverpool de l’Écosse un peu. Je pense que s’ils jouaient en Premier League, ils seraient dans les cinq premiers. Il y a des supporters dans toute la ville, il y a une rivalité avec les Rangers. J’ai la chance d’avoir l’appel de Brendan Rodgers au sortir de ma belle saison avec Kilmarnock, qui me dit qu’il cherche un gars de mon profil pour la vie du vestiaire. En plus, il y a la Coupe d’Europe. J’y vais sans hésitation, mais ils ont un groupe étoffé, je joue une fois en Europe et deux matches en championnat. Je n’ai pas le temps de jeu que j’espérais et je décide de partir. Mais ça a été une expérience énorme, dans un stade fou, une ambiance extraordinaire. 

Vous terminez à Orléans, en National. Pourquoi et comment ?

Je reçois un appel de Bernard Casoni, qui cherche un milieu défensif et qui voulait encadrer le vestiaire, avec un joueur capable d’apporter son humilité et son professionnalisme à Orléans. J’arrive là-bas mais malheureusement une affaire éclate sur fond de racisme. Le coach est démis de ses fonctions et d’un commun accord je décide d’arrêter aussi et de me concentrer sur ma famille et l’écriture du livre par la même occasion.

Avez-vous eu la possibilité de revenir une ou plusieurs fois en Ligue 1 au cours de votre longue carrière ? 

Il y a une anecdote où je suis à Norwich et Franck Passi m’appelle pour savoir si je serais intéressé par l’Olympique de Marseille. J’étais tellement excité que j’ai partagé la nouvelle à un journaliste et l’info sort un peu de partout alors que ça devait rester secret. Il y a une histoire d’agents qui se mêle à tout ça et, par la suite, l’affaire capote par ma faute. Ça m’aurait plu. Ça aurait été bizarre en tant que parisien de cœur et de formation. Mais c’est un challenge qui m’aurait plu à l’époque. Il aurait fallu que je m’adapte bien sûr, mais ça aurait été intéressant que je revienne en France. 

Il y a aussi une fois où je suis à Kilmarnock et l’ancien coach de Sunderland, Gustavo Poyet, alors aux Girondins de Bordeaux, m’appelle, il me connaissait bien. J’avais même eu Ulrich Ramé, directeur sportif à l’époque. Ils devaient sortir un joueur et mon contrat était sur la table, mais le joueur n’est jamais parti. Et faute de moyens, je n’ai pas signé. Je reste à Kilmarnock et, six mois plus tard, je signe au Celtic. 

Entretien réalisé par A.P.

Yousouf Mulumbu, PSG
Crédits photo : IconSport