À 39 ans et pour son sixième Euro, Cristiano Ronaldo cristallise toujours autant l’attention. Titulaire indiscutable en pointe de la Seleção, le Portugais n’a toujours pas réussi à débloquer son compteur de buts, ce qui interroge. Est-il au niveau de son statut ? Avant l’opposition entre l’équipe de France et le Portugal ce vendredi (21 heures) en quarts de finale de l’Euro 2024, voici certains éléments de réponses.

Pour sûr, les larmes de Cristiano Ronaldo après son penalty manqué en prolongation du huitième de finale du Portugal face à la Slovénie (0-0, 3-0 tab) resteront comme l’une des images fortes de cet Euro 2024. Si elles démontrent avant tout la frustration du champion, cette émotivité peut cette fois être interprétée différemment. Derrière le gardien Diogo Costa, Ronaldo est le joueur portugais qui a disputé le plus de minutes dans cet Euro (367). Néanmoins, alors qu’il est considéré à juste titre comme un buteur hors norme, l’ancien Madrilène peine à être décisif. À l’exception de sa passe décisive pour Bruno Fernandes face à la Turquie (3-0), Ronaldo n’a jusqu’ici jamais pu endosser sa cape de sauveur. Une anomalie qui crispe logiquement le meilleur buteur de l’histoire de la Seleção (130 buts) et qui pousse, comme lors de la Coupe du monde 2022, à se demander si le légendaire numéro 7 doit encore être considéré comme un titulaire.

Cristalliser l'attention pour libérer ses partenaires

Avant d’entrer dans les considérations sportives, il semble primordial de préciser que la présence de Cristiano Ronaldo avec le Portugal relève aussi de l’aspect mental. Parce qu’il catalyse les louanges mais surtout les critiques, l’attaquant d’Al-Nassr est aujourd’hui le leader d’une sélection qui n’a certainement jamais eu une génération aussi talentueuse. Néanmoins, bien qu’il ait été question de “Ronaldo dépendance” il y a de ça quelques années, les rôles semblent s’être inversés aujourd’hui. Si on peut encore apercevoir certains stigmates de cette période, la présence de CR7 est aujourd'hui majoritairement libératrice pour ses partenaires. Leader incontesté, Ronaldo accapare l’attention et permet même à certains d’être relativement tranquilles médiatiquement. À l’image de Bruno Fernandes, Bernardo Silva ou encore Rafael Leão, tous les trois auteurs d’un Euro mitigé, qui passent à travers les mailles du filet alors que l’attention se cristallise plutôt autour du penalty manqué par Cristiano Ronaldo face à la Slovénie et de ses larmes qui ont suivi. Un réaction qui peut largement être discutée, une telle émotivité en pleine rencontre à élimination directe d'un Euro étant fatalement déstabilisatrice pour l'ensemble du groupe. Spécialement lorsqu'elle vient du capitaine.

Enfin, sur le terrain, Ronaldo est un obstiné qui ne renonce jamais, ce qui permet au Portugal de compter dans ses rangs un attaquant dévoué à tous les instants. S’il est parfois emporté par son syndrome du super-héros à l’image de certains de coups de pied arrêtés ou par sa frustration sur certaines réactions excessives, le Portugais ne se cache jamais et donne l’impression de tout donner pour permettre aux siens d’aller le plus loin possible. Bien que le groupe puisse subir une forme de pression pour le dernier championnat d’Europe de son capitaine, il semblerait que Ronaldo déleste aujourd'hui plus ses partenaires qu'il les incombe. De plus, des joueurs chevronnés comme Ruben Dias, Joao Cancelo, Bruno Fernandes ou encore Bernardo Silva sont en capacité de supporter les attentes relatives aux grands rendez-vous.

Cristiano Ronaldo Bernardo Silva Portugal
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Son profil, son âge et la concurrence… Est-il toujours au niveau sportivement ?

Sportivement, l’équation est plus complexe. Joueur qui a le plus tiré (19) et cadré (8, à égalité avec Romelu Lukaku) depuis le début de l’Euro, Cristiano Ronaldo divise. Deux ans après avoir perdu sa place au profit de Gonçalo Ramos durant la Coupe du monde 2022, CR7 doit-il aujourd’hui vraiment être titulaire avec le Portugal ? D’abord, précisons déjà que la situation a évolué depuis le dernier Mondial. Le sélectionneur Fernando Santos a été remplacé par Roberto Martinez, ce qui implique un changement de projet de jeu, tandis que Ronaldo lui-même a évolué. Aujourd'hui, il est un véritable numéro 9 et laisse totalement les clés du jeu à Bruno Fernandes, ce qui n’était pas le cas il y a deux ans. S’il manque jusqu’ici d’efficacité, le Portugais ne manque pas d’altruisme et réalise ce que le jeu demande avec et sans ballon. Dans un Portugal aussi dominateur, il est présent dans la surface et réalise les appels en profondeur nécessaires, deux capacités vitales pour son équipe.

Concernant l’aspect physique, Ronaldo paie parfois ses 39 ans. Toujours capable d'enchaîner les courses et les matches, il semble toutefois naturellement moins agressif et explosif qu'auparavant. Les nombreux centres qu’il a eus à gérer face à la Slovénie et qu’il a manqués de justesse auraient certainement été catapultés au fond des filets il y a quelques années, lorsque sa détente était plus vive. Cependant, bien qu’il ne soit plus aussi dominant qu’il ait pu l’être, Ronaldo ne donne en rien l’impression d’être un joueur en difficulté athlétiquement.

Enfin, si Cristiano Ronaldo était un poids avéré pour le Portugal, qui pourrait le remplacer à la pointe de l’attaque ? L’évidence mène à Gonçalo Ramos. Néanmoins, pas particulièrement véloce, le joueur du PSG dispose d’un profil relativement similaire au numéro 7 en s’épanouissant majoritairement dans la surface. Si la justesse dans cette dernière pourrait faire la différence entre les deux hommes, pas sûr que l’ancien joueur du Benfica dispose du même caractère et de la même expérience que son aîné sur la pelouse. De plus, dans le jeu, le Parisien est sobre et ne se détache pas particulièrement de Ronaldo, lui aussi relativement propre jusqu’ici bien que l’échantillon soit faible (29 ballons touchés par match en moyenne). Néanmoins, Ramos dispose de plusieurs arguments pour se faire une place  en témoigne sa bonne fin de saison avec Paris. Reste à convaincre Roberto Martinez de tenter le coup, lui qui ne réalise presque aucun coaching avec Ronaldo et qui l'a même aligné lors du dernier match de poules alors que le Portugal était assuré de finir premier. Il y a deux ans, au Qatar, Fernando Santos avait sauté le pas et l'ancien joueur du Benfica avait inscrit un triplé en huitièmes de finale face à la Suisse (6-1) pour son premier match dans une Coupe du monde.

Gonçalo Ramos, Portugal
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Porté par ses coéquipiers et plus particulièrement par le portier Diogo Costa face à la Slovénie, Cristiano Ronaldo reste et restera le leader principal de cette sélection portugaise. À 39 ans, certaines limites physiques sont inévitables, mais le Portugais compense par une générosité dans le jeu qu’il n’a pas toujours affiché. S’il est jusqu’ici inefficace, il dispose néanmoins de toutes les armes nécessaires pour inverser la tendance. Un point qui pourrait faire basculer le tournoi du Portugal, et ce dès vendredi face à l’équipe de France de son plus grand admirateur, Kylian Mbappé.