Depuis la Coupe du monde 2018 et la victoire des Bleus en huitième de finale, une rivalité s'est créée entre la France et l'Argentine. Elle n'a fait que se renforcer après la finale de l'édition 2022, qui s'est décidée aux tirs au but entre les deux nations, suite aux provocations répétées de certains joueurs de l'Albiceleste et plus récemment après le titre en Copa America. Dans ce contexte, l'Olympique de Marseille a accueilli deux internationaux argentins cet été : Valentin Carboni et Geronimo Rulli. Comment ces signatures sont-elles perçues ? Top Mercato est allé recueillir les témoignages côté français et argentin.

Les rivalités entre nations sont plutôt rares. D'autant plus si elles ne trouvent pas leur source dans la proximité géographique des sélections. Généralement, un certain antagonisme existe entre deux pays d'un même continent. On pense évidemment à la rivalité historique entre l'Argentine et le Brésil ou encore celle entre les Pays-Bas et l'Allemagne jusqu'à la fin des années 90.

France-Argentine, une rivalité naissante

Tout a commencé le 30 juin 2018. Français et Argentins se retrouvent en huitièmes de finale de la Coupe du monde en Russie et, au terme d'un match fou, les Bleus décrochent leur billet pour les quarts (4-3). Avant, pendant ou après la rencontre, il n'y a pas vraiment de tensions entre les joueurs ou les bancs de touche, mais nul doute que l'Albiceleste a ruminé cette défaite pendant un petit moment.

Alors, quand les hommes de Lionel Scaloni ont retrouvé l'équipe de France en finale de l'édition suivante au Qatar, leur motivation était sans aucun doute décuplée. D'autant que les coéquipiers de Lionel Messi avaient été chauffés à blanc par les déclarations de Kylian Mbappé sur le niveau des sélections sud-américaines. “L'avantage qu'on a, nous les Européens, c'est qu'on joue toujours entre nous et on a des matches de haut niveau tout le temps, comme par exemple la Ligue des nations. Quand on arrive à la Coupe du monde, on est prêts. Le Brésil et l'Argentine n'ont pas ce niveau-là. En Amérique du Sud, le football n'est pas aussi avancé qu'en Europe. C'est pour ça que les dernières Coupes du monde, quand vous regardez, c'est toujours les Européens qui gagnent“, avait ainsi lancé le Bondynois. Mais cette fois-ci, ce sont les Sud-américains qui gagnent.

Cette rivalité franco-argentine débute réellement au moment des célébrations de l'Albiceleste en cette mi-décembre 2022. Dès la fin de la séance de tirs au but, Cristian Romero n'hésite pas à aller fêter la victoire sous le nez de Kylian Mbappé puis les provocations se poursuivent dans le vestiaire. “Une minute de silence pour Kylian Mbappé qui est mort“, lance notamment Emiliano Martinez alors que le jeune retraité de l'époque, Sergio Aguëro insulte Eduardo Camavinga lors d'un live Instagram. Comme si cela ne suffisait pas, tout cela se poursuit durant le défilé à Buenos Aires, lors de leur retour au pays. Joueurs et supporters (plus de 5 millions de personnes étaient présentes) entonnent en cœur insultes en tout genre à l'encontre des Français et notamment de Kylian Mbappé, Martinez réalisant notamment un geste obscène avec une poupée à son effigie.

Il y a moins d'un mois, après le succès argentin en Copa America, une nouvelle étape a été franchie. Là aussi, lors d'un live Instagram sur le compte d'Enzo Fernandez, le groupe de Lionel Scaloni scande un chant raciste envers l'équipe de France, se moquant des origines africaines de plusieurs joueurs tricolores. Des propos qui avaient évidemment choqué et fait réagir les joueurs français, à commencer par les coéquipiers du milieu de terrain de Chelsea. “Le football en 2024 : racisme décomplexé“, avait notamment commenté Wesley Fofana sur son compte X.

Sans surprise, les retrouvailles en quarts de finale des Jeux Olympiques de Paris 2024 ont été bouillantes avec une bagarre générale qui a éclaté lors du coup de sifflet final, et ce, alors que la quasi-totalité des joueurs n'étaient pas présents en 2022. Signe qu'une vraie rivalité est en train de naître entre Français et Argentins ?

C'est dans ce contexte que Valentin Carboni, présent lors de la Copa America, et Geronimo Rulli, titulaire aux JO, débarquent à l'Olympique de Marseille, où ils rejoindront leur compatriote Leonardo Balerdi. Comment sont perçues ces signatures par les supporters marseillais et de l'autre côté de l'Atlantique par les supporters argentins ? Cette rivalité est-elle mise de côté lorsqu'il s'agit des clubs ? Top Mercato est allé interroger Français et Argentins.

Un ressentiment plus fort côté supporters français, qui font la part des choses

Les provocations, insultes et autres chants racistes venant en très grande majorité du côté argentin, le ressentiment envers l'Albiceleste et certains de ses joueurs est plus prononcé chez les supporters français. On a d'ailleurs pu l'observer lors du quart de finale retour entre le LOSC et Aston Villa en Ligue Europa Conférence avec un accueil glacial réservé à Emiliano Martinez, qui détient sans doute le trophée du footballeur le moins apprécié dans l'Hexagone.

Interviewé par nos soins, ce supporter marseillais admet une certaine rancœur envers l'Albiceleste depuis la finale perdue au Qatar, mais différencie totalement le contexte sélection et club… hormis s'il s'agit de Dibu Martinez. “En tant que supporter de l'équipe de France, je ressens de la rancœur envers l'équipe d'Argentine et en particulier certains joueurs, en plus de la déception de la finale de la Coupe du monde, décrit-il. J'ai d'ailleurs vécu la victoire aux JO comme une revanche. Le comportement provocateur et obscène du gardien, des chants racistes sur les origines de nombreux joueurs français… Tout cela vient s'ajouter au côté chambreur des Argentins dans le jeu. Et même si certains Argentins ont dit qu'ils n'étaient pas racistes, que c'était leur façon de faire, j'ai beaucoup de mal à excuser ces comportements. J'aurais été choqué que l'OM recrute par exemple Emiliano Martinez, mais pas d'autres Argentins. Il faut se souvenir que pas mal sont passés par le club et que certains ont laissé une bonne image et des bons souvenirs aux Marseillais : Heinze (pourtant ancien Parisien), Lucho Gonzalez, et à un degré moindre Ocampos et Balerdi aujourd'hui, dont l'OM veut d'ailleurs faire son capitaine. Ils sont connus pour leur grinta ce qu'apprécie le public marseillais. Refuser tous les Argentins reviendrait à avoir le même comportement que les joueurs coupables.

Le club olympien dispose, en effet, d'une relation particulière avec l'Argentine. La ferveur du public marseillais n'est pas sans rappeler celle de l'Amérique du Sud et plusieurs joueurs ou même entraîneurs ont marqué l'histoire de l'OM. L'arrivée de joueurs argentins est donc vue d'un bon œil par les fans. “Cette rivalité ne me touche pas. À l'OM, on a toujours bien apprécié les joueurs argentins. Ils ont d'ailleurs souvent été bons donc avoir ces 3 là (Balerdi, Carboni et Rulli) ne me dérange pas du tout, au contraire“, affirme une autre supportrice.

Les nouveaux arrivés peuvent dormir sur leurs deux oreilles, ils devraient recevoir un accueil chaleureux du Stade Vélodrome pour leurs possibles débuts face au Stade de Reims le 25 août prochain. N'est pas Igor Tudor qui veut… On imagine malgré tout que les deux joueurs pourraient en revanche représenter des cibles privilégiées pour le public adverse lors des matchs à l'extérieur.

Une rivalité presque anodine pour les Argentins

Le ressenti n'est pas du tout le même de l'autre côté du globe. Si notre confrère de Top Mercato Argentine, Ivan Castillo, nous confirme qu'une rivalité existe bel et bien avec les Bleus, il précise que celle-ci n'est pas aussi forte qu'avec d'autres nations sud-américaines ou même européennes. “Il existe, en effet, une rivalité, mais pas du tout au même niveau que cela que nous avons avec le Brésil, l'Allemagne, le Chili ou encore l'Uruguay, confesse-t-il. Cela a commencé à la Coupe du monde 2018. Nous étions frustrés de perdre de cette manière. À partir de ce moment-là, le personnage de vilain de Mbappé est né et cela s'est renforcé lorsque Lionel Messi a signé au Paris Saint-Germain et qu'il se disait qu'il y avait de l'animosité entre les deux hommes. En 2022, il y avait cette volonté de prendre notre revanche et de surpasser la France au niveau international avec une 3e Coupe du monde. De notre point de vue, c'est une rivalité sportive, donc je pense que c'est dommage que cela se transforme en attaques personnelles envers nos joueurs.

Mais là aussi, la différence est faite entre compétitions internationales et clubs. Disposant d'un championnat national beaucoup moins compétitif, les Argentins voient d'un bon œil la signature de leurs joueurs dans les championnats européens, bien que la Ligue 1 ne soit pas tout en haut de leur liste. “Nous voulons toujours que nos joueurs évoluent dans le Top 5 des ligues européennes. Nous préférons qu'ils aillent en Premier League, en Liga ou en Serie A, mais la Ligue 1 est tout de même considérée comme un championnat très compétitif“, précise notre confrère.

Geronimo Rulli, en tout cas, n'a pas caché son excitation à l'idée de revêtir la tunique phocéenne. “Je suis très heureux d’avoir rejoint cet immense club qu’est l’Olympique de Marseille, j’ai tellement hâte de pouvoir jouer à l’Orange Vélodrome avec, cette fois-ci, le maillot de l’OM sur les épaules. Marseillais, on se voit très bientôt“, a-t-lâché au moment de sa signature.

Un vrai lien OM-Argentine

Comme nous l'avons rappelé précédemment et comme les supporters interrogés l'ont eux-mêmes évoqué, il existe une histoire commune entre l'OM et les joueurs argentins. Appréciés pour leur fameuse grinta qui plaît tant au public, ils sont au nombre de 16 à avoir porté les couleurs phocéennes depuis le début du XXIème siècle, si l'on compte les dernières recrues en date, Valentin Carboni et Geronimo Rulli, sans oublier Marcelo Bielsa et Jorge Sampaoli sur le banc de touche. Certains ont évidemment plus marqué le club que d'autres. On pense notamment à Lucho Gonzalez et Gabriel Heinze, champion de France en 2010 ou encore Joaquin Correa (ou pas !).

L'OM aime l'Argentine et l'Argentine aime visiblement aussi l'OM. “C'est rare pour un Argentin de supporter un club français, admet notre confrère de la presse locale. L'expérience Messi au PSG a fait que beaucoup ont laissé tomber la Ligue 1. Pour autant, certains d'entre nous considèrent que l'OM est le plus grand club de France puisque nous valorisons le fait d'être le seul club de l'Hexagone à avoir remporté la Ligue des Champions. Il est également perçu comme le club le plus populaire, où la passion est la plus forte. Et bien sûr, il existe un lien avec l'OM dans la mesure où beaucoup d'Argentins y sont passés ces dernières années.

Cette saison, le lien entre Marseille et Buenos Aires ne fera que se renforcer avec pas moins de trois internationaux dans l'effectif de Roberto De Zerbi. Un groupe qui pourrait d'ailleurs être mené par Leonardo Balerdi, qui pourrait être promu capitaine dans les prochains jours.