Attaquant de l’Olympique de Marseille dans les années 90 (149 matchs et 41 buts), Marc Libbra observe la saison de son ancien club, le cœur meurtri. Dans cette interview exclusive accordée à Top Mercato, le consultant liste les maux de l’OM et déplore un état d’esprit défaillant, sur la Canebière comme plus globalement en Ligue 1.
Entretien réalisé par Yoro Mangara,
On parle de votre club de cœur, vous l’ancien attaquant de Marseille. Comment voyez-vous l’OM cette saison ?
Oh là là (rires) ! C’est très difficile parce que Marseille avait une belle équipe la saison dernière, avec de petits soucis et quelques réglages à faire. Depuis le début de cette saison, on ne voit plus rien. Même s’il ne faut pas oublier que l’élimination en préliminaires de la Ligue des champions face au Panathinaïkos a tout court-circuité. À partir de là, je considère que la saison de l’OM, elle est terminée. Il y avait un nouvel entraîneur en début de saison et qui est parti. Mais ces joueurs sont venus pour jouer une Ligue des champions. Même si ce n’était pas acté, car il y avait deux tours à passer, leurs agents, leurs familles, tout le monde s’était préparé pour la Ligue des champions. Malheureusement, ça s’est mal passé. Du coup, ça devient très compliqué. On a bien vu qu’il y avait un souci avec l’entraîneur Marcelino. Maintenant, c’est Gattuso qui récupère un groupe qui n’est pas le sien, avec lequel il n’a pas fait de préparation. Ça part dans tous les sens et je suis très inquiet pour la saison marseillaise.
« Avec Sampaoli et avec Tudor, il y avait un état d’esprit »
Vous saviez en marquer des buts avec ce duo Libbra-Cascarino. Quelle est la différence entre l’état d’esprit de l’OM à votre époque et celui d’aujourd’hui ?
C’est très difficile parce que le football que j’ai connu n’existe plus. Aujourd’hui, les ballons sont différents, les tenues sont différentes, les joueurs évoluent avec des puces dans le dos. Les terrains sont différents, l’arbitrage est différent… « Mon football » s’est arrêté il y a 15 ou 20 ans. Il faut faire avec la technique d’aujourd’hui. Mais mon équipe avait du cœur, c’était une équipe généreuse. Aujourd’hui je dirais plus que cet OM manque terriblement de caractère. Si je prends l’OM à mon époque, on est peut-être moins fort sur le papier mais je pense qu’au niveau du cœur et de l’envie, on est beaucoup plus concerné que certains joueurs. Intrinsèquement oui, ils sont meilleurs que nous à l’époque. Mais bon, Cascarino et moi c’est plus de 100 buts en deux saisons. Il n’y a pas si longtemps que ça, j’avais reçu un message d’un supporter de l’OM qui disait que nous étions la paire d’attaque la plus prolifique de tous les temps du club. Ce n’est pas négligeable même si c’était à cheval entre la D2 et la D1. Cascarino et moi avons marqué des buts partout.
🎙️ Gennaro Gattuso : « 𝘾𝙚 𝙢𝙖𝙩𝙘𝙝 𝙛𝙖𝙘𝙚 𝙖̀ 𝙎𝙩𝙧𝙖𝙨𝙗𝙤𝙪𝙧𝙜 𝙫𝙖 𝙚̂𝙩𝙧𝙚 𝙩𝙧𝙚̀𝙨 𝙞𝙢𝙥𝙤𝙧𝙩𝙖𝙣𝙩 𝙢𝙖𝙞𝙨 𝙤𝙣 𝙡'𝙖 𝙗𝙞𝙚𝙣 𝙥𝙧𝙚́𝙥𝙖𝙧𝙚́. 𝙊𝙣 𝙙𝙤𝙞𝙩 𝙞𝙣𝙫𝙚𝙧𝙨𝙚𝙧 𝙘𝙚𝙩𝙩𝙚 𝙩𝙚𝙣𝙙𝙖𝙣𝙘𝙚 𝙚𝙩 𝙧𝙚́𝙪𝙨𝙨𝙞𝙧 𝙖𝙫𝙚𝙘 𝙘𝙖𝙧𝙖𝙘𝙩𝙚̀𝙧𝙚. »… pic.twitter.com/Xj5naOSpaT
— Olympique de Marseille (@OM_Officiel) November 24, 2023
C’est juste une question d’état d’esprit, de mentalité. Malheureusement, je ne les retrouve plus aujourd’hui. On se rappelle avec Sampaoli, avec Tudor, il y avait un état d’esprit, on pouvait reconnaître la saison passée que cette équipe avait des lacunes. Par contre sur le terrain, elle n’a jamais triché. Elle s’est toujours battue, elle s’est toujours arrachée. Là cette année, malheureusement on s’ennuie. À la mi-temps, face à Lens (défaite 1-0), je me dis « qu’est-ce que je fais ? » J’appelle mon fils, il me demande si je regarde encore, je lui dit que oui je pense que je vais encore un peu regarder, mais bon. C’est difficile de comparer les deux époques.
« On dirait que les mecs n’ont pas envie »
Lors des deux dernières journées de Ligue 1, on a assisté respectivement à 12 buts et 13 buts. Comment expliquez-vous qu’on marque moins en L1 ?
Quand on marque moins déjà, la plupart des joueurs se régalent moins. On va prendre un exemple, il y a un an, Marseille gagnait 3-2 à Monaco, un match de fou, je crois que c’est Kolasinac qui marque de la tête à la 98e, Alexis Sanchez met un coup franc de folie et il démarre vraiment sa saison, on s’est rendu compte de ça. Il y avait une envie, il y avait une image, il y avait des attitudes… Là, quand je vois les matchs, mais on dirait que les mecs ils n’ont pas envie quoi ! Avec ce qui se passe dans le monde et les problèmes qu’il y a, on dirait qu’ils s’ennuient… J’espère qu’ils prennent beaucoup de plaisir parce que c’est quand même le nerf de la guerre, on joue au foot pour prendre du plaisir. Mais quand je vois l’attitude corporelle de certains, je me dis, « est-ce qu’ils prennent du plaisir ? Est-ce qu’ils y arrivent ? » Et malheureusement après, ça donne des matchs qui n’ont aucun sens. Je pense que l’horaire, 15h le dimanche notamment, ça n'aide pas, mais il faut malheureusement s’habituer au business des médias.
Je ne sais pas si les joueurs se régalent vraiment et ça se répercute quand je vois des matchs. L’attitude des joueurs de Marseille la saison passée, qu’on a vu jusqu’à la défaite de Lens, où ils ont pour moi lâché la saison, on voyait un état d’esprit et une mentalité. Et j’ai l’impression que là, on ne la trouve pas. La plupart des joueurs finissent les matchs, ils se font tous des bisous, ils se serrent, on ne dirait pas qu’ils sont plus impactés que ça…
Vous avez connu pas mal de grands joueurs à l’OM. Qui est pour vous le plus grand de tous ?
Je dirais Jean-Pierre Papin. Il a été hyper important parce que c’est un gros travailleur. Après, quand on a 18 ans et que l’on grandit aux côtés de Papin, Voller, Boksic, Sonny Anderson, Cascarino… C’est plus facile d’apprendre son métier. J’ai côtoyé Chris Waddle et Francescoli qui étaient des artistes. Quand on allait au stade – à l’époque j’étais au centre de formation – quand on voit jouer Francescoli et Waddle on rêve. On les regarde la bouche ouverte et on contemple. C’est difficile de choisir. Pour le travail c’est Jean-Pierre Papin, parce que c’était un attaquant exceptionnel, qui a été il me semble 5 fois meilleur buteur du championnat. Et après des Francescoli, des Paolo Futre, Rui Barros. Il y a eu tellement de stars. Il faut savoir en profiter et c’est ce que j’ai fait. Je dis Jean-Pierre mais quand tu côtoies Rudi Voller, qui est champion du monde et qui vous explique comment se débrouiller, comment courir… Il faut prendre. C’est que du plus.