Entretien réalisé par A.P.

Moi, je sortais de ma blessure au ligament croisé du genou. C’était Franck Passi le coach à ce moment-là, qui avait connu mon frère Michy Batshuayi auparavant à l’OM. Il m’appelle directement et me dit qu’il a vu mes performances en Youth League avec Anderlecht, puis m’explique qu’il veut lancer un jeune attaquant et qu’il a pensé à moi comme il s’entendait bien avec mon frère. Il me demande si je suis intéressé, je réponds “oui bien sûr”, la question ne se posait même pas. Les choses se font. 

Franck Passi, OM
Franck Passi a été à l'origine de la venue d'Aaron Leya Iseka à l'OM. Crédit photo : Icon Sport

Je n’avais connu que de la réussite à cette période de ma carrière, je n’avais fait que grimper sans m’arrêter, alors je ne réalise pas vraiment tout de suite ce que je suis en train de vivre. C’était un truc de fou, mais, avec le recul, je ne m’en rendais pas vraiment totalement compte. Les premiers mois, franchement, ça s’est bien passé, alors que je revenais de mon croisé et d’une lourde rééducation de onze mois. 

Après, Rudi Garcia est arrivé et ça a été un peu plus difficile pour moi. Je pense que, aussi, quelque part, je n’étais pas prêt pour ce niveau-là, j’avais encore besoin de passer un cap avant d’atteindre la Ligue 1 et l’OM, surtout après le croisé. Mais ça a été une super expérience pour moi. J’ai joué avec Lassana Diarra, j’ai côtoyé Abou Diaby. S’entraîner et voir de tels pros au quotidien, ça ne peut être que bénéfique. Bafé Gomis aussi, qui me conseillait énormément… 

👉 J’ai la dalle pour vraiment choquer”, que devient Aaron Leya Iseka

C’était un peu plus complexe. Mais je garde un bon souvenir de Rudi Garcia. Je me souviens d’une anecdote avec lui. Je crois qu’on avait un match à Montpellier. La veille du match, Bafé se blesse. Moi, je suis derrière dans la hiérarchie, normalement, je devais jouer pour le remplacer, j’avais la chasuble des titulaires à l’entraînement d’ailleurs. Le lendemain, on a rendez-vous. Mais moi, je ne sais pas que Montpellier c’est à côté. Moi, comme d’habitude, je prends mes affaires, ma voiture et je file à l’aéroport un peu en avance. L’heure du rendez-vous approche, je ne vois toujours personne arriver. Je m’interroge. J’appelle Brice Samba, il ne répond pas. J’appelle un autre joueur qui ne décroche pas. Alors j’appelle l’intendant et je lui demande où ils sont. Il me répond qu’ils sont tous là. Mais moi, je ne vois personne. 

Le rendez-vous était en fait au centre d’entraînement… Je prends ma voiture et je bombarde. J’envoie un message au coach Garcia pour m’excuser et lui dire d’attendre, que j’arrive vite, que, s’il fallait j’allais jusqu’à Montpellier en voiture, mais que je voulais jouer ce match. Mais j’étais trop loin, avec la circulation, c’était impossible. Et à 16h01, alors que le rendez-vous était à 16h, il me répond : « Aaron, pour le bien de ta carrière, je vais te laisser là où tu es et comme ça, tu n’arriveras plus jamais en retard à un rendez-vous ». J’ai encore les messages sur mon téléphone. Il me dit de ne pas venir et prendre ça comme leçon. Après ça, je ne suis plus jamais arrivé en retard nulle part. 

Sur le moment, j’étais dépité, je suis resté une heure dans le parking devant chez moi, je voulais tellement jouer ce match. Parfois, des carrières démarrent vraiment comme ça, c’était une opportunité en or. Comment j’ai pu faire cette erreur… J’étais dégoûté. C’est pour ça que je dis toujours que, même si ça ne s’est pas très bien passé avec lui, Rudi Garcia m’a appris des choses importantes. Les supporters m’ont vanné, ont fait des memes sur moi, mais c’était de bonne guerre et ça m’a permis de grandir. 

Ça m’a surpris ! Le foot, ça va vite. C’est une bonne nouvelle. Je pense que c’est un bon coach qui a fait ses preuves un peu partout où il est passé. C’est vraiment une bonne nouvelle. 

Rudi Garcia Belgique
Rudi Garcia tout sourire devant les journalistes. Crédits photo : IconSport

Je vais dire les termes, en vrai de vrai, c’était incroyable. Moi, je n’avais pas vraiment de grosses expériences en pro, à part une finale de Coupe de Belgique devant 65 000 personnes. Mais au Vélodrome, j’ai fait une titularisation contre Lyon, ça faisait du boucan de la première à dernière minute. Vraiment incroyable, rien à dire, des frissons. Tu n’oublies jamais ce genre de sensations, d’ambiance. C’est vraiment fou. Je n’ai jamais connu une ambiance pareille par la suite dans ma carrière. 

OM PSG tifo Vélodrome
Crédits photo : IconSport

Honnêtement, non, je n’ai jamais ressenti ça. Le fait que je ne porte pas le même nom que lui, ça a évité que la comparaison ne me mette de la pression. Je n’ai pas vraiment senti des attentes particulières par rapport à cela, personnellement. On n’arrive pas dans le même contexte. Moi, je suis jeune, j’ai 18 ans, je sors de mon croisé. Lui, il était en pleine bourre au Standard. Peut-être que ça a existé, mais, moi, en tout cas, je ne l’ai pas du tout ressenti. 

On en a reparlé il y a quelques jours. Il m’a redit que l’OM c’était la meilleure période de sa carrière. C’est vraiment là-bas qu’il s’est épanoui le plus, qu’il a pris le plus de plaisir. C’est son club. Il m’a dit que c’était son club de cœur, qu’il était attaché au club comme pas possible. En plus, sa première fille est née là-bas je crois. Il est très attaché à la ville, au club. 

Michy Batshuayi, Chelsea
Michy Batshuayi sous les couleurs de l'OM. Crédits photo : IconSport

Celui qui m’a le plus marqué, c’est Rémy Cabella, et je dis ça uniquement footballistiquement parlant. Le mec ne s'arrête jamais, c’est une vraie mobylette. Il m’a impressionné parce qu’à tous les entraînements, il était à 10 000%. Il veut gagner tous les matchs, tous les petits jeux. Tous les joueurs ne sont pas comme ça. Bafé (Gomis), par exemple, n’était pas toujours à fond aux entraînements, même si, sur les exercices de finition, tu voyais qu’il y avait une classe d’écart avec les autres. Bafé, c’est surtout les jours de match qu’il répondait présent. 

Mais Rémy, c’était tous les jours à fond la caisse, avec le sourire. J’ai beaucoup apprécié ça et ça m’a marqué. C’est un exemple que j’ai gardé en mémoire. Parce que, même quand c’était difficile pour lui parfois, il a toujours bossé à fond, la tête haute. Il a toujours mouillé le maillot, il m’a beaucoup impressionné. Franchement, Dimitri Payet, quand il est revenu, même si ce n’était pas le même qu’à West Ham, c’était fort fort fort. Diaby, dommage qu’il se soit blessé. Lassana Diarra, rien à voir avec nous tous. Il était largement au-dessus, sans manquer de respect à personne. Et encore, il n’était pas à 100%. Il n’avait rien à faire là.

Je suis toujours l’OM bien sûr. Je trouve qu’ils ont tout donné jusqu’au bout. Paris, cette saison, c’était injouable. Ils ont eu un petit moment de doute sur la fin mais ils ont tenu bon. J’ai bien aimé Mason Greenwood, je trouve qu’on était un peu dur avec lui. Il a fait son taff quand même. J’aime bien la nouvelle identité que le club met en place doucement. En fait, j’aime bien la progression à tous les niveaux et l’envie d’aller de l’avant. Ça fait plaisir de les voir comme ça. Que du plaisir. 

Mason Greenwood, OM
Mason Greenwood célèbre son but avec l'OM contre Toulouse. Crédit photo : Icon Sport

On en parle souvent, on se fait souvent des petites blagues et il me dit pour rigoler que, si un jour il a une offre exotique, il demande à me mettre dans le package pour qu’on aille jouer ensemble ! On parle souvent de ça. C’est un truc logique entre frères de vouloir jouer ensemble. Je n’imagine même pas ce que tu dois ressentir, les Lukaku, Jordan et Romelu, par exemple. Ça doit être fabuleux !

On en parle souvent. On ne sait pas ce que demain prévoit ! On en rêve, si ça arrive, tant mieux, si non, tant pis. Rien que le fait qu’on ait réalisé notre rêve et qu’on soit devenus pros tous les deux, c’est fou. Si ça ne se fait pas, on continuera à jouer ensemble au parc comme on faisait enfants de toute façon ! 

C’est à ce moment-là que j’ai compris qu’en football, le talent ne voulait pas tout dire. On avait vraiment une équipe remplie de talents avec Sangaré, William Vainqueur, Max Gradel. Et on est descendu quand même. C’était une saison dramatique parce qu’on avait les joueurs pour faire quelque chose de bien, mais chaque week-end, on prenait un but à chaque entame. 

C’était une saison lourde mentalement. C’est ma première relégation. Je n’avais jamais vécu ça. C’est très étrange quand l’équipe que tu as sur le papier est vraiment bien. Mais parfois, tu ne contrôles pas tout… On avait fait le maximum mais ce n’était pas une bonne saison.

Leya Iseka, Toulouse
Aaron Leya Iseka avec le maillot de Toulouse. Crédit photo : IconSport

Je ne sais pas franchement. Mon agent de l’époque me disait que les conditions incluses dans mon contrat, l’option d’achat, etc. n’allaient pas favoriser le club. Frédéric Antonetti était venu à la fin de la saison pour m’expliquer que ce n’était pas vraiment sa décision de moins me faire jouer, que ça venait d’au-dessus.

J’étais un peu déçu parce que je me sentais bien là-bas. C’était près de chez moi, à deux heures de Bruxelles. Je m’entendais bien avec le groupe. C’était en période de Covid, donc je n’avais pas vraiment pu avoir de contact avec les supporters, mais je recevais énormément de soutien. J’ai de bons souvenirs du FC Metz, de ma saison là-bas, des connaissances que je me suis fait, des joueurs avec qui j’ai évolué, comme Farid Boulaya, Dylan Bronn. J’ai bien apprécié mon passage là-bas. 

Il y en a plusieurs. Je suis tombé amoureux de Houssem Aouar, qui était à Lyon à l’époque, quel joueur ! Vraiment, j’ai trop kiffé ! Ensuite, Marco Verratti m’a fait vivre un calvaire, c’est vraiment une galère de le presser, c’est insupportable. Marquinhos, aussi, c’est quelque chose dans les duels. Et enfin, le plus fort, c’est Kylian Mbappé. À ce moment-là, chaque ballon qu’il touchait, c’était le feu. Il y avait Neymar aussi, mais quand j’ai joué contre lui, je l’ai senti moins motivé. Mais le plus fort, je dirais Kylian.

Leya Iseka, FC Metz
Aaron Leya Iseka sous les couleurs de Metz en 2021. Crédit photo : IconSport

Entretien réalisé par A.P.