Équipe de France : déclin, statut, concurrence… Kylian Mbappé est-il devenu un problème ?

Peu convaincantes depuis le début de l’Euro 2024, les performances du capitaine de l’équipe de France Kylian Mbappé divisent et provoquent même certaines interrogations. Pour autant, Didier Deschamps doit-il remettre en question le statut de sa star avant d’affronter l’Espagne ce mardi (21 heures) en demi-finale de la compétition ?

L’histoire est désormais bien connue de tous, mais elle est peut-être à l’origine de la situation complexe de Kylian Mbappé aujourd’hui. À l’été 2023, alors que l’ex-attaquant du PSG affirme qu'il ne prolongera pas avec le club de la capitale à l'issue de la saison, ce dernier est écarté du groupe pour la préparation. Un événement qui ne l’a toutefois pas empêché de s'entraîner seul durant le mois de juillet avant d’inscrire 44 buts et d’offrir 10 passes décisives sur ses 3869 minutes disputées toutes compétitions confondues en club cette saison. Néanmoins, plus qu’un potentiel manque athlétique qu’il a depuis largement compensé, Kylian Mbappé peine à retrouver l’efficacité et la verticalité qui étaient les siennes dans le jeu, au PSG comme en équipe de France. Qu’elles soient mentales, physiques ou techniques, les lacunes actuelles du nouveau joueur du Real Madrid sont indéniables.

Kylian Mbappé France Portugal
Crédits photo : Icon Sport

Les raisons du déclin

Au-delà des considérations extra sportives, Kylian Mbappé semble être aujourd’hui un joueur bien différent de celui qui avait fait sa renommée mondiale entre 2017 et 2022. Moins tranchant, l’attaquant des Bleus n’est plus aussi déroutant qu’auparavant. Lors de cet Euro, il réussit en moyenne 2,1 dribbles par match, ce qui ne le place pas clairement en dessous des autres ailiers de haut niveau de la compétition, mais baisse malgré tout ses standards. Au Qatar, en 2022, il culminait à 3,6 dribbles réussis par match. Même si Rafael Leão ou encore Jérémy Doku peuvent être aujourd'hui considérés comme des références au poste d'ailier gauche, l'attente qui entoure Kylian Mbappé est logiquement supérieure à ce type de joueurs. Être de leur acabit ne suffit pas. De plus, l’ancien monégasque parait moins souverain athlétiquement. S’il est toujours plus rapide que la grande majorité des défenseurs qu’il affronte, Mbappé ne semble plus insaisissable. Un phénomène difficilement explicable qui pourrait rapidement revenir à la normale dans les prochains mois, mais qui le rend aujourd'hui moins menaçant.

Enfin, une autre curiosité réside dans la façon dont Mbappé se déplace. Parce qu’il s’agit là plus d’une volonté que d’une aptitude, le capitaine tricolore réalise de moins en moins de courses. Alors que ces dernières ont participé à faire de lui l’un des meilleurs joueurs de la planète, il les délaisse aujourd’hui pour constamment recevoir le ballon dans les pieds. S’il est parfois utile de varier et de partir d’un peu plus bas, ne plus exploiter ou presque sa qualité majeure semble toutefois incompréhensible. De plus, dans une équipe de France qui cherche à exploser en transition, sa place devrait être toute trouvée. Lors du dernier Mondial, Mbappé touchait en moyenne 52 ballons contre 59 aujourd’hui. Preuve qu’il est désormais plus connecté, mais le plus souvent arrêté et sans réaliser d’appel en profondeur pour attaquer l’espace ou en ouvrir à ses partenaires. 

À noter que cette évolution pénalise aussi les Bleus dans la surface adverse alors que leur capitaine se positionne constamment en retrait sur les centres, lui qui n’attaque jamais la ligne de but. De fait, l’absence de numéro 9 dominant lorsque ce dernier est aligné en pointe se fait largement ressentir dans le dernier tiers et ne permet pas à la France d’attaquer de manière optimale. La rencontre face à la Pologne (1-1) lors du dernier match de poules à l’Euro en est un parfait exemple.

Un statut à revoir ?

Blessé au nez face à l'Autriche (1-0) suite à un contact avec le Lensois Kevin Danso, Kylian Mbappé est aujourd'hui forcé de porter un masque pour protéger sa fracture. S'il représente une gêne certaine au niveau de la vision périphérique et que l'attaquant qualifie “d'horreur absolue” le fait de porter un tel accessoire, le masque ne fait, selon lui, pas office d'excuse et ses récentes performances interrogent malgré tout. Lors de sa sortie à la 106e face au Portugal (0-0, 5-3 aux t.a.b.), la France n’a souffert d’aucun manque. Peu influent dans le jeu et peu en réussite face au but dans une équipe de France à la peine offensivement, Mbappé donne l'impression de ne toujours pas avoir lancé son Euro. Néanmoins, les facteurs qui entourent son inefficacité sont interdépendants. Les Bleus sont aujourd’hui peu productifs en attaque parce que leur capitaine est en difficulté, mais ce dernier peine aussi à être décisif parce qu’il évolue dans une équipe inoffensive. Mais doit-il pour autant être laissé hors du onze titulaire par Didier Deschamps ?

S’il est difficile d’imaginer un tel scénario en l'état, la faible concurrence devant devrait clore le débat assez rapidement. Alors qu’un plus gros volume de jeu lui permettrait d’évoluer dans l’axe afin de laisser la place côté gauche à un Bradley Barcola qui n’attend que ça, les Bleus ne peuvent, aujourd'hui, pas se passer de Kylian Mbappé. Même s’il s’agit actuellement plus de ce qu’il représente pour l’adversaire ou pour ses partenaires que ce qu’il produit réellement. Jamais le Portugal n’avait fait évoluer ses latéraux aussi bas que face à la France depuis le début de la compétition. Un constat qui n’a pas empêché Mbappé de passer à côté de sa rencontre, mais qui a forcé Roberto Martinez à s'adapter. Enfin, s’il est largement critiquable et critiqué, le Français est impliqué sur deux des trois buts des Tricolores à l’Euro. Un total bien trop faible pour un joueur de son talent, mais qui permet de rappeler que, malgré tous les défauts qui sont les siens actuellement, il reste l'un des rares facteurs X de cette équipe.

Kylian Mbappé, équipe de France
Crédits photo : IconSport

S'il est apte, Kylian Mbappé disputera logiquement la demi-finale et la potentielle finale de l’Euro avec les Bleus. Plus qu’un statut réellement remis en question, ce sont ses aptitudes qui sont aujourd’hui questionnées. Est-il capable d’être aussi explosif qu’il l’était auparavant ? D'axer son jeu sur ses qualités intrinsèques ? D'adopter un état d’esprit plus collectif sans ballon ? Si les réponses à ces questions ont jusqu'ici été négatives, elles pourraient toutefois changer ce mardi, face à l'Espagne, au moment où la France aura le plus besoin de lui.

Matthias Ribeiro
Journaliste passionné par le jeu et la tactique passé par So Foot, Coparena et L'Équipe.